Un petit Liard insignifiant!

Il était une fois dans une contrée lointaine, située dans le nord, un petit village pelotonné à l’orée d’une vaste forêt, où coulait une rivière grise. Si l’on suivait la route jusqu’au bout, aux abords de la forêt , on arrivait à une pauvre maisonnette aux murs passés à la chaux et au toit de chaume.

 

Dans cette triste chaumière vivait une vieille femme, aigrie par sa rude vie. Elle avait rencontré de nombreuses déceptions, ruptures, deuils, et malheurs.

 Aussi cette femme était-elle devenue agressive et impatiente. Elle s'était renfermée sur elle même et peu de personne la considérait.

 Cette vieille dame vivait seule en compagnie de son fils. Leur vie était simple, pauvre, sans joie.

 Leurs jours passaient comme ça dans le labeur quotidien, monotone et laborieuse.

 

 Un jour d'hiver, cette vieille dame demanda son fils d'aller chercher du bois pour le feu.

(Et oui elle avait eu un fils, de quel amour, je ne sais, mais ce serait une autre histoire) .

 

Dans l'âtre  le feu qui maintenait le peu de chaleur dans la triste demeure et servait aussi à la cuisson des repas.

Le fils de la vieille dame était très obéissant, docile et même résigné.

 

Il revêt son vieux et lourd manteau et se rend dans la forêt toute proche pour ramasser du bois mort.

 

Il marche d'un bon pas longtemps et ramasse autant de branches qu’il peut, les assemblant en gros fagot volumineux. Quand son fagot fut bien lourd il fait demi tour et reprend sans y penser le chemin vers l'orée de la forêt.

 

   Mais au détour du sentier, il aperçoit dans l'ombre d'un chêne majestueux, quelque chose de nouveau. « C'est étrange! se dit il, je n'avais pas remarqué cette énorme roche à l'aller!».

 

Et en la regardant de plus près, le garçon devine un visage dans les stries de la pierre.

« On peut dessiner un visage de ce côté-ci de là roche! Dit-il. Ici les yeux, ici en descendant, le nez, et là ce serait la bouche! De l'autre côté, continua le garçon, cette courbe-là, ce serait le dos.».

Et machinalement il caressait la roche. Mais il la trouva si froide, si glacée! Alors une idée lui vient et il énonce à haute voix: « Je vais la couvrir de mon manteau, ainsi , elle aura moins froid!». Aussitôt dit, aussitôt fait! Et après avoir déposé son fagot de bois, il enlève son lourd pardessus et le dépose soigneusement sur la courbe de la roche.

«Et voilà s’exclame t-il». Puis un instant il contemple le résultat, un sourire se dessine sur ses lèvres. Satisfait de son action, il récupère le lourd fagot de bois et reprend le chemin du retour vers la maison au bord de la forêt.

 

Dès son entrée, sa mère, qui avait trouvé le temps long, remarque immédiatement qu'il n'a plus son lourd manteau.

 

«Ah! Te voilà! Mais qu'as tu fait de ton manteau ?»

 

Le fils explique alors simplement, sincère et fier, ce qu'il a accompli : « La roche m' a semblé si froide que je l'ai couverte de mon manteau, ainsi elle aura moins froid !»

 

Sa mère s’écrie en colère : « Mais quelle idée ! Est-ce que tu le crois! Je me ruine à t'habiller et toi tu laisses ton manteau à une pierre ! Mais non ce n'est pas possible ! Tu vas retourner là bas, chercher ton manteau tout de suite! Combien de fois je t'ai dit: tu penses à toi d'abord ! OUI ! Va chercher ton manteau et ne reviens pas sans! »

 

 

Le garçon, très obéissant, dépose son fagot de bois près de la cheminée et part d'un pas décidé chercher son manteau dans la forêt. C'est surprenant mais il trouva tout de suite la grosse roche et son manteau la recouvrait toujours.

 

Se penchant pour reprendre son manteau, il s'appuie sur la pierre qui tremble légèrement. À la base de la roche, il remarque  une étoffe de jute. Il se penche davantage, il pousse un peu plus la pierre et voit un sac de jute!

Il extirpe le sac de dessous de la proche, le soupèse, «qu'y a-t-il à l'intérieur? songe-t-il». Ayant pris soin de remettre son manteau, il ouvre le sac de jute. Des pièces d’or! Il  est rempli de pièces d'or !

« Et si cet argent était caché là, ce doit être de l'argent volé! Se dit -il. Ce doit être de l'argent malhonnête!» Alors d'un pas ferme, il se dirige vers la rivière grise, qui coule non loin de là, dans la forêt. « C’est décidé je vais jeter Ces pièces d'or dans la rivière! C'est un argent malhonnête! Un argent volé! Se répète t-il. Et cet argent n' est à personne!»  Le garçon s'arrête au bord de la rivière. D’un geste vif il vide le contenu du sac dans la rivière! Toutes les pièces d'or disparaissent dans le flot gris de l’eau. Toutes sauf une petite pièce marron, toute petite. Elle revient vers le bord et se pose juste à côté du garçon.

 

«Tiens , remarque le garçon, cette petite pièce marron, c'est un liard, elle ne vaut quasiment rien cette pièce! Elle n'a pas dû être volée! C’est de l'argent honnête! Alors je vais la garder! » Il se penche récupère la petite pièce et la glisse dans la poche de son pantalon.

 

Le garçon content de sa trouvaille, retourne chez lui vêtu de son manteau et une histoire étrange à raconter à sa mère.

 

De retour dans la maisonnette, sa mère est soulagée de le voir arriver vêtu de son manteau.

 

Mais quand il lui raconte l'histoire du sac de pièces d'or dispersées dans la rivière! Elle rentre dans une colère froide.

 

Elle crie, elle hurle:

«Tu es un idiot doublé d’un incapable! Comment peux-tu faire des choses aussi stupides? Nous aussi pauvres! Tu aurais pu garder l'argent! Tu aurais dû garder l'argent! Tu l'avais trouvé, il était à toi! Mais qu'est-ce que je vais faire de toi?

Ah non décidément! Ah non décidément! Dès que je te regarde, je pense à tout cet argent perdu! Toutes ces pièces d’or que tu as jetées ! Non décidément, va-t'en! Je ne veux plus te voir! Je suis fâchée! Va-t'en !» .

 

Le fils, toujours très obéissant, (comme je vous le disais depuis le début), prend son manteau et part en fermant la porte de la maison derrière lui.

D’un pas lourd, il gagne la forêt. Un peu plus loin, il traverse la rivière grise en passant le gué. Il marche longtemps, longtemps, de vallées en vallées. Il mendie, cherche du de travail de village en village, mais comme c’est difficile! Il dort souvent à la belle étoile ou alors sous un pont. Personne ne veut l'embaucher!

 

Mais, un beau jour, finalement, il découvre une ville baignée de soleil, c’est un port. Au petit matin les marins sont à pied d’œuvre. Les marchands préparent leurs étalages.

 

Le jeune garçon tente une nouvelle fois sa chance, il s’adresse à un commerçant. Celui-ci se reconnaît dans ce jeune cherchant du travail et il accepte de lui donner un emploi, contre le gîte et le couvert. Il lui demande: «Sais-tu porter le bois en fagot, sans en perdre la moitié?»

 

 Le jeune garçon se rapproche et levant la tête répond : «Oui , je l'ai fait souvent, pour ma mère. Je transportais le bois.»

 

«Sais-tu porter de l'eau sans en en renverser et en mettre partout ?» « Oui assure ce fils, j'allais toujours chercher de l'eau à la rivière pour ma mère.»

 

«Alors ce sera une partie de ton travail! Tu transporteras le bois et l'eau, puis, tu rangeras et nettoieras mon commerce.»

 

Et c'est comme ça que le jeune garçon ainsi se retrouva embauché chez un grand commerçant. Il s'est mis au  travail avec enthousiasme. Enfin il peut dormir au chaud et manger à sa faim, en échange de son travail. Sérieux, il habite dans une petite salle proche de l'échoppe, où sont vendues toutes sortes de denrées .

 

Pour ses affaires,  le commerçant avait décidé de partir pour un grand voyage.

Avant son départ, il réunit ses employés et leur proposa de leur ramener quelques souvenirs. S’ils le souhaitaient et en contrepartie d’ un peu d'argent, il achèterait des objets ou spécialités des différents pays visités.

 

Chacun des ouvriers confia un peu d'argent pour obtenir en échange un souvenir provenant de ce voyage d’affaire. Mais le jeune garçon lui, n'avait pas d'argent. Il ne pouvait prétendre à aucun souvenir de ce fabuleux voyage...

 

Enfin il y avait bien ce petit liard dans sa poche! Alors timidement, il s’approcha et le remit au commerçant en disant : « Je n'ai pas grand-chose! Tout ce que j'ai c’est ce petit liard ! Mais je veux bien un tout petit souvenir, même très petit!»

 

Le commerçant surpris, accepta la pièce et la glissa dans sa bourse.

 

« C' est une toute petite pièce insignifiante! Je me demande ce que je vais pouvoir te ramener avec ça?» soupira le commerçant en prenant le liard. Il le regrettait déjà!

  

Le commerçant se rendit vers le port où il monta à bord d'un navire qui ne tarda pas à appareiller et quitter le port pour rejoindre le large..

 

Sur la mer jolie, sur la mer bleue le navire vogua quelques jours.

 

Le commerçant vendait puis achetait des fournitures, tissus, outils, denrées variées, rares,  tels que des épices. De ville en ville, de port en port ses échanges ont été fructueux. Son voyage arrivait à sa fin, alors il n’oublia pas d’acheter quelques souvenirs pour ses ouvriers.

 

 

Malheureusement, pour un petit liard insignifiant, il ne trouva rien! Il n'avait pas de souvenir pour le jeune garçon. Dans sa poche il avait toujours le petit liard ridicule et insignifiant. « Je n’ai rien trouvé! Que vais-je bien pouvoir rapporter à ce jeune garçon? » Se questionnait le commerçant.

 

Pensif, vers la fin de son voyage, "Je n'ai rien pour ce petit liard insignifiant! Que vais je rapporter à ce jeune garçon?"
La fin de son voyage, il n'avait rien pour ce petit liard insignifiant.

Sur le chemin du retour, pensif, et prêt à renoncer, le marchand croisa une vieille dame qui se lamentait. 

Elle transportait un sac en toile. Des plaintes déchirantes sortaient de ce sac. «Mais qu'est-ce que j'entends là? Mais ces sons si déchirants, ce sont des miaulements? s’étonna le marchand.»

 

 «Ce n'est pas moi qui miaule dit la vieille, c'est mon petit chat! Je n'ai plus de quoi le nourrir et il m'ennuie! Je vais le noyer! Je vais de ce pas le jeter à la mer, je veux m’en débarrasser!»

 

La vieille femme voulait se débarrasser d'un chat.
La vieille femme voulait se débarrasser d'un chat.

Le marchand proposa à la vieille dame: « Mais je sais, moi je peux te l'acheter, pour un liard, si tu veux. Ne le jette pas à la mer, je m'occuperai de ce chat!»

 

La vieille dame, trop contente, (pensez-vous elle pensait se débarrasser du chat et voilà qu'on lui proposait un petit liard!). Elle qui voulait noyer son chat! Elle l’aurait bien donné pour rien!  Alors elle prit le petit liard insignifiant et remit le chat au marchand. Elle s’éclipsa bien vite, de peur que ce marchand ne changea d’avis !

 

 Le petit chat roux au fond du sac, le marchand reprit sa route à grands pas, pressé de rejoindre son navire. En lui même il souriait, satisfait de cette bonne idée, une très bonne idée ! Ce souvenir plaira certainement au jeune garçon, de plus juste pour un tout petit liard ! Finalement, tout s'arrange!

 

Accoudé au bastingage, le commerçant se sentait serein. Les affaires avaient été fructueuses, il revenait avec des marchandises dont il tirerait un bon profit. Il avait réussi à acheter un souvenir pour chacun de ses ouvriers.  Tout était bien, le marchand était vraiment satisfait.

 

Le bateau reprit la mer et s'en retourna vers le pays, mais à la fin de la première journée de voyage une tempête se leva. Le vent, la mer, la pluie, s’intensifiaient. Bientôt la tempête ferait rage, alors le capitaine du bateau décida sagement, de se réfugier à l'abri d'une crique au bord d'un rivage inconnu.

Le Marchand est descendu du bateau se dégourdir les jambes, aux alentours,  dans la campagne isolée. Un peu plus loin au détour du chemin, il découvrit une belle demeure, sur le mur, un un écriteau indique «Auberge de la falaise». Le commerçant se dit : « Quelle aubaine! je pourrais me réchauffer, et souper !» D’abord il frappe trois coups à la porte... toc, toc, toc...  Personne ne répond, alors il pousse la porte et entre dans l’auberge.

 

Devant lui une table est dressée, des assiettes, des verres, des cuillers, fourchettes, des couteaux , et à côté de chaque verre une longue baguette fine, non pas une baguette de pain, mais une baguette fait de jonc, une branche fine et cinglante.

 

Table de l'auberge dressée :  assiettes verres baguettes ...
Table de l'auberge dressée : assiettes verres baguettes ...

C'est un peu surpris qu'il entend une cloche sonner et voit des convives arriver. Tous s'installent sur les chaises ou bancs autour de la table pour prendre leur repas. Puis voici les serveuses qui s’approchent, apportant les plats. Au même moment, voilà une bande de souris qui grimpent sur les chaises, les bancs, sur les tables et se faufilent entre les convives. Ces intrépides s'attaquent aux mets disposés dans les plats et dans les assiettes!

Les convives se saisissent alors des baguettes et frappent, frappent, devant, sur les côtés, de ci, delà, de façon désordonnée, tentant vainement d’écarter les souris! Mais ce n'était pas très efficace!  Les souris chapardent beaucoup de nourriture.

 

Le marchand, d'abord ébahi, interpella l'aubergiste qui se tenait découragé derrière son comptoir .

 

«Aubergiste! appela fortement le commerçant, je te propose une autre solution!» Bien sûr, vous vous en doutez, il avait emporté son sac et dans le sac, devinez qui?! « miaou…! » le petit chat roux!

 

Et brandissant le chat, qui se tenait caché dans son sac à bandoulière, il s’empresse d’ajouter : « j'ai une bien meilleure solution contre les souris! Bien plus efficace ! Avec cet animal, les souris,  c'est de l'histoire ancienne!» Il pose alors le chat à côté de la table. Le petit félin bondit sur cette table et commence à chasser, pourchasser les souris. Coup de patte, coup de griffes, coup de dents, et les souris, effrayées s'enfuient à toute allure, vite, vite!

Les convives ravis, peuvent enfin se régaler tranquillement des différents mets disposés dans les plats et leurs assiettes! Quel plaisir!

 

Le chat bondit sur la table, et toutes griffes dehors il chassa les souris!
Le chat bondit sur la table, et toutes griffes dehors il chassa les souris!

L'aubergiste, soulagé, et satisfait du dénouement de cette invasion,  vient s'entretenir avec le marchand : « Viens donc prendre un verre avec moi!» Puis sans plus de détours il lui demande : « Veux tu bien me vendre cet animal ? Il serait très utile ici!».

«Te vendre mon chat et bien je n'y pensais pas ! » Affirme le commerçant rusé. « C’est que j’y suis très attaché ! C’est vrai qu'il a beaucoup de valeur ! En même temps vous en avez vraiment besoin ici! » .

« Combien en veux-tu ?» demande l'aubergiste.

Le commerçant après une brève pause répond : « Je te le vends pour cent écus ! » L'aubergiste, assuré , accepte et remet les 100 écus dans une bourse au marchand, en échange de son chat. Le marchand, trop content , la poche gonflée, non plus d'un petit liard, mais de cent écus, quitte aussitôt l’auberge.

 

Dans son sac, maintenant une bourse bien plein pèse à son côté. D’un pas enjoué, il retourne vers le bateau. Ce dernier ne tardera pas à repartir car la tempête au large  s'est calmée.

 

En arrivant sur le pont du bateau , le marchand aperçoit une boule de poils roux assis et qui semble l'attendre. « Mais le chat,     que fais-tu là? » interroge-t-il, comme s’il s’attendait à une réponse! 

«Bon et bien maintenant comme tu es là et que le bateau s'en va, je te garde!». Le chat se retrouve alors dans les bras du marchand et l’accompagne en ronronnant dans sa cabine!

Un chat sur un bateau, attendait le retour du marchand;
Sur le pont du bateau, le chat attendait, patiemment.

 

 

Déjà sur la mer apaisée le bateau s’éloigne.

  

Avant de s’endormir le commerçant, dans la nuit, compte les écus , les yeux remplis d’étoiles! Il est ravi de cette nouvelle affaire !

 

Mais voilà, juste avant la fin de la nuit une tempête se lève de nouveau. Plus forte que la précédente, le bateau trop chahuté, se trimbale de vagues en vagues. Des gerbes d’écume couvrent le pont. L’équipage dirige alors le navire tourmenté vers la côte, et trouve un abri le long du nouveau rivage.

 

Bateau dans la tempête, Storm, s'emplifiant;
Le bateau balancé par les vagues

Au petit matin, le commerçant afin de se dégourdir les jambes s'en va sur la terre ferme, bien entendu il emmène son sac en bandoulière, contenant le petit chat, et ses cent écus. Le Marchand était curieux de découvrir les alentours, et soulagé de profiter d'un peu d'air frais. Pendant ce temps l'équipage du bateau s’occupe à réparer les quelques avaries.

Le marchand découvrit au bout d’un hameau une auberge, sur la devanture un panneau précisait «Auberge du Rivage». Le commerçant se dit « Mais Quelle aubaine! Je vais pouvoir me rafraîchir, et grignoter quelque chose !»

 

L'auberge du rivage éclairée, promesse d'un accueil revigorant.
L'auberge du rivage éclairée, promesse d'un accueil revigorant.

 D’abord il frappe trois coups à la porte" Toc, toc, toc!", aucune réponse alors il pousse la belle porte et entre dans l’auberge.

 

Devant lui dans la grande salle la table est déjà mise, des assiettes blanches, de grands verres à pied, des fourchettes, couteaux et de grandes perches posées contre le bord de la table.

 

 

Le marchand se demande à quoi servent ces grandes perches, au même moment une cloche sonne. Aussitôt les convives arrivent, s’installent sur les bancs autour des tables. Des serveuses, alertes, apportent de grands plats garnis de mets fumants et les déposent sur les tables.

 

Mais à peine les convives se préparent à déguster leur repas qu’une troupe de souris replètes escaladent les bancs, les pieds de la table et se précipitent sur la nourriture. Elles envahissent l’espace entre les assiettes et les plats. Les convives s’emparent alors des grandes perches et tentent d’assommer les grosses souris. Ils frappent, frappent de tous côtés, la nourriture vole et ils parviennent même à se frapper entre eux !

 

Quel désastre !

 

Le marchand une fois revenu de sa surprise sort de nouveau de son sac à bandoulière le chat roux !

 

« J’ai une bien meilleure solution pour votre chasse aux souris ! s’écrie t - il ! et autrement plus efficace ! »

 

Une fois lâché, le chat se transforme en furie, il se lance à la poursuite des grosses souris grasses !

 

Et à force coup de griffes, coups de pattes ou tranchant de dents aiguisées, il fait fuir les importunes . Ces rongeuses se préviennent entre elles en fuyant à toutes pattes ! On entend leur petits cris aigus : « Sauve qui peut! Sauve qui peut! L’endroit n’est pas sûr ! Un monstre roux nous attaque!».

 

Chat roux chassant les souris dévastatrices.
Le chat roux, fauve sauvage, pourchasse les souris importunes.

Une fois les souris parties, les convives reprennent leur repas, contents de pouvoir se régaler tranquillement des mets encore sur la table!

 

L’aubergiste, soulagé, invite alors le marchand à boire un verre, il souhaite le remercier et pas seulement. Pendant qu’il partageait une bière ambrée du pays, il lui demande : « Cet animal que tu as là, ne le vendrais-tu pas ? Il nous serait vraiment utile ici !». Se penchant un peu il ajoute : «Combien en veux -tu ?» Le marchand, plus aussi étonné répond : « Tu veux acheter mon chat ? … Mais je n’avais pas prévu de le vendre… Et il a beaucoup d’importance pour moi!… Bon pour toi et ton auberge, je te le vends... Deux cent écus!»

 

L’aubergiste trouve la somme un peu importante, mais l’auberge a vraiment besoin de ce chat, alors il s'en accommode : « Bien, dit-il, Je vais chercher la somme, et je reviens.»

 

Il s’empresse de rapporter un bourse remplie des deux cent écus demandés. « Le verre aussi est cadeau!».  L’aubergiste prend le félin roux, il est content d’être le propriétaire de cette boule de poils, de griffes et de dents, la solution à tous ses problèmes!

 

Le Marchand, sans s'attarder davantage, prend congé et d'un pas un peu plus rapide, il s’en revient vers le bateau. Déjà les voiles sont hissées, il ne va pas tarder à lever l’ancre. Le marchand saute sur le pont et rejoint sa cabine. Et bien juste à côté de la porte de sa cabine , devinez qui se tient là? Le chat, oui,  assis là paisiblement. Il semble l’attendre.

 

Finalement tout est prêt sur le bateau qui appareille et rejoint la haute mer au grès du vent. Le marchand médusé laisse le chat entrer dans sa cabine, puis il dépose sur le lit les sacs d’écus, il les contemple. Il vient de gagner deux cent écus. Le premier sac contient cent écus et le second deux cent , quelle aubaine, le voilà avec trois cent écus facilement gagnés!

 

Mais dans la fin de l'après-midi suivante de nouveau le ciel se couvre, s'obscurcit , de gros nuages gris envahissent l’horizon. Le vent souffle gonflant les voiles un peu plus. L’équipage, prudent, réduit la voilure. La houle s’intensifie, bientôt les vagues  déferlent comme si elles voulaient renverser le navire. La mer toujours plus grosse se déchaîne, le vent strident redouble. Le capitaine prend la seule décision possible, trouver rapidement un abri, si non le bateau, ses passagers et sa cargaison seraient perdus dans la tempête.

 

 

L’ équipage habile dirige alors le bateau vers une côte inconnue, bordée d'une haute falaise. Comme il est difficile de trouver une voie praticable sur la mer déchaînée, comme il est compliqué de trouver l'entrée d’une crique abritée. Mais fort de sa grande expérience le capitaine a réussi une fois de plus à amarrer le bateau à l’abri.

                                                   - ***-

 

Le temps se calme, le ciel s'éclaircit. Le marchand soulagé d’échapper au naufrage et légèrement nauséeux décide de rejoindre la terre ferme. Sans oublier son sac et le chat, il va se dégourdir les jambes au bord de la plage de galets. De là il suit le chemin côtier qui serpente et remonte vers le plateau.

 

Barque sur la plage de galets de nuit. Boat beach night.
Barque sur la plage de galets de nuit. Boat beach night.

 

Un peu plus loin, il aperçoit une lumière qui scintille, curieux il se dirige vers cette lueur. Il arrive alors auprès d'une improbable auberge dans cette campagne déserte. L'auberge est vaste et compte vraisemblablement un grand nombre de chambres. Un écriteau se balance, accroché à la devanture. «Auberge de la crique aux galets ».

 

 

Il s’approche et frappe trois coups à la porte: "Toc, toc, toc!",  aucune réponse, alors il pousse la lourde porte et entre dans l’auberge.  Devant lui il découvre une vaste  salle  voûtée,  aux murs de pierres, le parquet de bois grince sous ses pas. Des flambeaux allumés éclairent de grandes et longues tables, déjà dressées.

 

 

Sur une nappe blanche, immaculée, des assiettes, des verres de cristal, des couverts en argent sont disposés, bien alignés. Mais  à chaque place, jouxtant chaque assiette, d'énormes gourdins sont placés . Tout est paisible, harmonieux, hormis ces étranges gourdins.  Le marchand n’est pas le moins du monde surpris lorsque la cloche retentit, annonçant le repas. Les invités tous en appétit, se présentent pour leur souper et s’installent autour des tables.

 

Les serveuses arrivent portant de grands plateaux couverts de mets fumants et succulents, mais au même moment une vaste horde de rats se précipite aussi. Grimpant le long des chaises ou des bancs, le long des pieds des tables, ils envahissent les nappes blanches. Ces rongeurs grisâtres n’hésitent pas à sauter dans les assiettes ou sur les plats. Hargneux ils mordent même les mains, les poignets qui essaient de les éloigner. Ils s'attaquent  aux mollets des serveuses qui tentent de  chasser ces bestioles. S'en suit alors une scène ahurissante!

Les convives excédés munis des gourdins , essaient  furieusement d’assommer ces bêtes immondes.    Il est difficile d’éviter de se faire mordre ou griffer par ces rats agressifs.

 

 Le marchand d’un geste grandiose sort alors de son sac en bandoulière, le chat roux, le petit chat roux, boule de feu.

« J’ai une bien meilleure solution, plus efficace, à votre problème! Affirme – t – il, l'essayer c'est l'adopter ! ».

Le chat est lâché! Il semble tripler de volume!

Il ne sait plus où donner de la tête, de la patte, de la griffe, et des dents. Quelle fête pour lui!

C'est la débandade chez les rats :

« Au secours! Au secours!» chacun se prévient de petits cris perçants et chacun se sauve aussi vite que leur permettent leurs pattes griffues.

Les rats intelligents, comprennent que face à ce félin de feu, leur salut est dans la fuite. Vite, très vite dans des cris suraigus ils disparaissent. Peu à peu, le silence et le calme reviennent.

 

Tous les convives, d’abord stupéfaits, puis soulagés, reprennent leur repas. La grande salle s’emplit alors d’un brouhaha excité et  joyeux.

 

 

 

L’aubergiste satisfait, invite le marchand et tous deux s'installent en retrait à une petite table. Je vous offre le repas, commence l’aubergiste. Et goûtez-moi ce petit verre de vin provenant du sud du pays !». Puis il poursuit d’un ton doucereux en le tutoyant: «Ton chat est vraiment fabuleux ! La façon dont il a réussi à nous débarrasser de tous ces rats ! Extraordinaire ! Tu me vends ce chat? Il est vraiment la solution pour moi, je t'en donnerai un bon prix !» . Le marchand, bon commerçant, s'attendait à cette demande et se réjouit déjà. Mais, il affiche un air faussement contrarié et répond: « C'est que c'est un chat exceptionnel ! j’y tiens beaucoup et je n'avais pas prévu de m'en séparer !» L’aubergiste, contrarié, insiste vraiment, et le marchand donne son accord : « C’est d’accord je te le vends pour trois cent écus !» L’aubergiste accuse le coup, « Trois cent écus ? C’est une somme! » Puis il en convient, c'est le chat qu’il lui faut! De plus il est exceptionnel ! « Bon c'est d'accord l'affaire est entendue! ». Le maître des lieux va chercher dans l’arrière salle une bourse remplie et il la remet au marchand, en échange du chat.

 

Une grosse bourse contenant trois cent écus, bien lourde, pèse dans le sac en bandoulière du marchand à la place du chat maintenant. Ce dernier ne veut plus prendre son temps et c’est en toute hâte qu’il quitte l’aubergiste et son Auberge. Il rejoint presque en courant la plage de galets. Vite, reprend la petite chaloupe qui le ramène au bateau. Déjà l’équipage préparait le navire pour l’appareillage, les voiles étaient hissées. Le marchand content, debout sur le pont lève la tête, respire à plein poumons. Tout en haut du grand mât, il aperçoit une boule de poils roux! Le chat est déjà revenu ! Mais ça n'étonne plus le marchand ! ( Vous non plus je suppose!).

Le capitaine donne déjà le signal du départ et de lever l’ancre. Le bateau va de nouveau fendre les flots au gré du vent, il reprend la route plein nord vers le pays du commerçant et cette fois-ci le ciel ne se comble pas de nuages, le vent se maintient vigoureux et le bateau avance à bonne allure.

 

  Bientôt tous vont arriver en vue des côtes familières.

 

Dans sa cabine le marchand réfléchit. Sur son lit, les trois bourses sont alignées.

 

 Il se parle à lui même: «J’ai d'abord gagné une bourse de cent écus, puis une seconde bourse de deux cent écus et voici la troisième plus lourde, de trois cent écus ! Me voilà avec une belle somme de six cent écus! Et tout cela avec juste un tout petit liard insignifiant! J'ai rarement fait un aussi beau bénéfice!»

 

Le marchand,tout à fait satisfait de lui continue à voix basse: « C'est une affaire prodigieuse ! Je vais garder cet argent pour moi, après tout c’est bien moi qui ai su marchander ! Et je donnerai le chat à mon commis comme souvenir pour son petit liard! C’'est bien! Oui ,le garçon se contentera du chat!»

À peine avait il pris cette décision, que le ciel se déchira! Des éclairs zèbrent l'espace étroit de la cabine. Le tonnerre roule, gronde, des boules de feu tournoient aux côtés du chat qui se dressait menaçant.

 Son pelage roux s’ébouriffant, le rend énorme, il souffle, crache, montre ses griffes acérées et ses dents prêtes à attaquer! Devant cette furie rousse le marchand restait là figé, effrayé. Le chat semblait encore plus grand, les éclairs semblaient provenir de son corps! Le tonnerre redouble d'intensité. La cabine tremblait tout autant que le marchand apeuré ! Que se passe – t - il?

 

 

Alors le marchand contrit et s'exclama : « D'accord, d'accord, j'ai compris ! Tout l'argent récolté ira au jeune garçon ! C'est promis ! Je ne garderai pas ces six cent écus! Calme toi !"

 

Le chat se calma aussitôt. Les éclairs, le tonnerre, tout s'apaise comme par magie!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelques heures plus tard, le bateau accosta dans le port, rapidement l'équipage aide au déchargement des marchandises.